Acta Pacis Westphalicae II B 3,2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 2. Teil: 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
213. Brienne an Longueville, d’Avaux und Servien Paris 1646 April 14
Paris 1646 April 14
Kopien: AE CP All. 64 fol. 235–238 = Druckvorlage; AE , CP All. 76 fol. 124–125; Ass.
Nat. 272 fol. 202–205’. Druck: Mem. et Neg. II S. 170–178; Nég. secr. III S. 148–150;
Gärtner IX S. 107–115.
Ankunft Saladins. Voraussichtliche Befriedigung der Königin über nr. 206 und über die Entschul-
digungen der Spanier. Kommentar zur Antwort der Gesandten auf die spanische Proposition:
Abtretung Pinerolos und Schleifung Casales unannehmbar; Beilegung der Streitigkeiten zwischen
Savoyen und Mantua; Veltlin; Forderung nach Restitution Correggios überholt; italienische
Liga; Freilassung Prinz Eduards; Einbeziehung des Kaisers und seines Hauses in den Vertrag;
Verzichterklärung Herzog Karls. Geringschätzung der spanischen Offerten. Taktik Trauttmans-
dorffs , um Schweden gegen Frankreichs Elsaßforderung einzunehmen. Solidarität der Schweden
mit Frankreich. Stellungnahme zum Waffenstillstand nach wie vor erwartet. Bellezia. Andro-
hung von Repressalien gegen die spanischen Postverbindungen. Keine weiteren Vorstöße in der
Angelegenheit La Bardes. Befriedigung über den Verlauf der Gespräche mit Salvius. Gerücht
einer Heirat zwischen König und Kaisertochter. Bericht Bagnis und Nanis über Angebote der
Mediatoren in kaiserlichem Auftrag: Überraschung Briennes. PS: Einberufung des Rats und Be-
schluß von nr. 214. Unterlagen Vautortes über das Elsaß.
Saladin hat mir nr. 192 und nr. 205 bereits am 12. übergeben können. Il a fallu
du temps pour les deschiffrer et comme il ne s’est point tenu de conseil je n’ay
pu les présenter à Sa Majesté. Ce sera aidant Dieu lundy et que je luy en feray
la lecture, de laquelle Sa Majesté recevra sans doute beaucoup de satisfaction,
car bien qu’elle l’ait entière du choix qu’elle a fait de Son Eminence pour luy
donner la principale conduitte de l’administration du Roy, elle s’augmente
par l’approbation que le public luy donne, et c’est avec tant de connoissance
et d’art que vous louez Sa Majesté
In [ nr. 206 ] .
tement . Elle en aura encores un second apprenant avec quel soin les Espa-
gnolz se veullent excuser de tout ce qui s’est publié soit en Hollande ou ail-
leurs au préjudice de sa bonne foy, bien qu’elle sache que c’est artifice que le
désaveu; mais elle espérera que le premier leur aiant si mal réussi ilz se dépar-
tiront de cette mauvaise manière d’agir et qu’ils seront enfin pour songer à la
paix à des conditions justes et arrester par elle le cours de noz prospéritez que
l’on avoit voulu sacrifier au repos et au bien de la chrestienté. Il fut jugé par
tant de princes que pour l’asseurer il falloit que la France eust un passage en
Italie, mesme par ceux qui l’ont vendu, qu’on ne doit pas croire que Sa Ma-
jesté l’abandonne, aussy l’aiant acquis à si juste titre elle le conservera comme
vous l’avez parfaittement bien dit, et cella n’entre ny ne fait aucune condition.
Ainsy les ennemis doivent perdre l’espérance que nous quittions Pignerol ou
que l’on démolisse les fortifications de Cazal; et ce qui peut estre dit contre
cette proposition et mesme pour l’appuier a esté préveu, et voz instructions
vous donnent un entier esclaircissement des partis qu’on peut accepter, et de
quelles raisons deffendre l’honneur du Montferat, et la liberté de l’Italie qui a
esté la fin première des despenses excessives et de la guerre que cette cou-
ronne a soustenue. Comme les différens qui estoient entre les maisons de Sa-
voie et Mantoue en furent le prétexte, pour lever tout sujet d’une nouvelle
guerre, il est expédient de les terminer et dans le traitté général d’y faire faire
raison au Roy et aux Grisons de la Valteline, assoupir ce trouble ainsy que
vous l’avez proposé. Si j’ozois je vous dirois que vous pouviez vous dispenser
de faire encores la demande de la restitution de Correggio, bien qu’il vous ait
esté ordonné il y a quelque temps, mesmes par voz instructions de le faire, et
la connoissance que vous avés que le cardinal de Modène a accepté la protec-
tion des affaires de France en cour de Rome, que le duc se dispose à se décla-
rer françois pouvoit vous faire prendre ce party. Quand j’auray sceu ce que Sa
Majesté pensera sur cette ouverture et ce qu’elle délibérera devoir estre escrit
audit duc je ne manqueray de vous en informer. Je me suis apperceu que vous
avés fait gouster aux médiateurs que pour la seureté de la paix il faudra faire
une ligue, je suis bien trompé ou Sa Majesté en aura un extrême contente-
ment , qui a jugé que c’estoit le moien le plus asseuré pour la rendre durable.
Si les prisonniers de part et d’autre doivent estre relaschez le prince Edouard
doit estre du nombre, mais on cherchera des exceptions contre luy que par
vostre adresse et vostre fermeté vous surmonterez, et certes il a besoin d’une
puissante protection. Sous les conditions que vous avés avancées, l’Empereur
et les princes de sa maison pourront estre compris dans le traitté; il me semble
aussy que vous les nécessitez par là à faire la paix de l’Empire et que quand
vous faittes qu’on nomme le duc Charles vous l’obligez à une renonciation de
tous ses Estatz. Si les Espagnolz peuvent donner dans le piège que vous leur
avez dressé, il y eût eu de quoy animer contre eux la province de Hollande
qu’ils font rechercher sous main et qu’ils animent contre les autres. Sur les
offres faittes, je n’ay rien à dire, ny je ne croy pas que Sa Majesté se délibère
plus d’en parler; il suffit de les mespriser. Le comte de Trautmansdorff agit en
ministre habile. Il essaie de persuader aux Suédois qu’il faut contribuer à leur
faire avoir la Poméranie, affin qu’estans réputez membres de l’Empire ilz eus-
sent intérest de s’opposer à noz prétentions sur l’Alsace. Mais la prudence de
ceux du conseil de cette reine est trop grande pour se laisser surprendre à de si
grossiers artifices et plusieurs de voz lettres, mesme celle du 7 e , nous appren-
nent que vous estes satisfaitz du procédé de ses ministres en Allemagne, ce
qui nous donne lieu d’espérer de grandes choses pour nostre commune satis-
faction , que l’union estroitte qui paroistra entre les couronnes forcera l’ enne-
my de consentir. Sur la suspension, on attend voz avis, bien que l’on ait esté
dans voz sentimens pour avancer ou reculer celle qui fut proposée sur le ren-
contre de la proximité des armées impériale et suédoise. Je ne manqueray
d’appuier et faire remarquer ce que vous m’escrivez au sujet du marquis de
Saint-Maurice et du Belletia, c’est un service que je dois vous rendre, et il n’y
en a point que vous puissiez désirer de moy où je ne me porte, et si Vostre
Altesse et vous Messieurs en pouviés douter j’aurois grand sujet de me plain-
dre de ma mauvaise fortune. Vous avés receu la dépesche que vous croyez
avoir esté volée ainsy que je l’ay appris par un billet que le sieur Boulanger a
escrit au sieur Brisacier
Guillaume de Brisacier (1607–1675), 1644–1652 premier commis Briennes ( Piccioni
S. 99–101). Das Billet Boulangers an ihn, wonach die verlorenen Depeschen vom 24. III.
1646 in Münster eingetroffen waren, allerdings geöffnet und unvollständig, befand sich offen-
bar in der Sendung Saladins vom 7. IV. 1646.
que couleur que ce fust venoient à destrousser les courriers, non seulement il
faudroit s’en plaindre, mais user de représailles sur eux qui auroient à demeu-
rer exposez aux longueurs et incertitudes des mers et des ventz et nous avec
assez de facilité trouverions des moiens de faire aller noz despêches. Le retour
de monsieur de Saint-Romain vous informera des dernières intentions de la
reine de Suède sur le fait de monsieur de La Barde, après cette tentative faitte
sur ce sujet il faudra demeurer en repos et chercher des moiens pour parvenir
à nostre intention sans presser davantage le chancellier de Suède lequel ap-
puye par des raisons que son esprit luy fournit la conduitte de son filz qu’il a
peine de souffrir qu’on improuve. La nature ne se bannit pas pour entrer dans
le maniement des grandes affaires, nous en voions un effet. Sans doute on
vous aura escrit d’Osnabrug en hors que le voiage de monsieur Salvius estoit
entrepris pour toute autre fin que pour vous visiter, mais ceux-là qui ont eu
juste sujet de soupçon en seront tirez par les avis qu’ilz recevront de vous qui
n’aurez pas esté surpris sur les asseurances qu’il vous en aura données et qui
aurés fait veiller de prez à ses actions. Ce qu’il vous a proposé en faveur des
protestans à la diminution des catholiques, ce que vous aurés sceu des inten-
tions des derniers, sont toutes choses à considérer, mais il seroit malaisé de
mieux respondre que vous avés fait, ny d’avoir posé des maximes plus solides
pour faire voir l’impossibilité de réussir en leurs prétentions, et que c’est
beaucoup plus qu’ilz ne pouvoient espérer que ce qui est consenti par les
catholiques. Que ledit Salvius songe à la satisfaction de la couronne de Suède,
qu’il s’apperçoive qu’ils n’ont de véritables alliez que cette couronne, que
pour se conserver ce qui leur sera donné ilz ont besoin que nous soions esta-
blis dans l’Allemagne, toutes ces choses sont avantageuses et vous les luy avez
insinuées avec adresse et il en a reconnu une bonne partie avec ingénuité. J’ay
plaisir d’escrire ces choses tant je suis persuadé que Sa Majesté vous en tes-
moignera beaucoup d’agrément. Que le mesme Salvius ait convenu qu’il fal-
loit rechercher Bavière et ne luy estre pas contraire à tous ses intérestz, cella
encor aggréera. Quand il dit que pour retenir l’Ober-Ens l’Empereur est pour
luy donner l’Alsace, cella me satisfait beaucoup, car bien que je sois persuadé
qu’il aimeroit mieux qu’il l’eust que non pas la France, ce sera tousjours avoir
fait un grand pas que de s’estre déclaré consentir d’en délaisser la propriété à
un autre. Soit par les ministres de Suède ou par le baron d’Avaugour vous
sçaurez ce qui aura esté conclu avec Saxe, j’ay bien remarqué qu’il veut de-
meurer en liberté d’assister son gendre, et j’y feray faire réflexion affin d’ es-
saier de disposer Sa Majesté à départir ses grâces à Madame la Langrave. Le
jugement que font messieurs les Suédois du prince de Transilvanie me semble
bien fondé, il y a longtemps que j’ay escrit à monsieur de Croissy de se retirer
d’auprès de ce prince. In den nächsten Tagen erhalten Sie Antwort, wenn die
Königin nicht für heute eine Sondersitzung des Rats anberaumt. Il luy a esté
mandé de Venize qu’on y publie le mariage du Roy et de la fille de l’ Empe-
reur , pour dot l’Alsace. Je ne doute point que l’on ne vous l’ait escrit comme à
moy.
Depuis ma lettre escritte le nonce et l’ambassadeur de Venize me sont venus
voir, tous deux m’ont dit que les médiateurs vous avoient proposé que l’ Em-
pereur délairoit au Roy la Basse-Alsace moiennant que l’on fît promptement
la paix, que pour disposer les Suédois à y concourir l’Empereur estoit résolu
de leur donner l’une des Poméranies, l’archevesché de Bremen et l’évesché de
Verden; et pour ce que les médiateurs ont eu appréhension que cette ouver-
ture de la Basse-Alsace ne nous satisfist pas, ils ont fait entre eux des ouver-
tures comme de nous procurer toute l’Alsace et ce qui peut estre en deçà du
Rhin, laissant Brisack, le Brisgau et le Sungau aux archiducz de Tirol; que si
ce parti ne nous contentoit pas encores, qu’il faudroit essaier, l’Alsace nous
demeurant et tout ce qui est en deçà du Rhin, Brisach et Philisbourg razé, de
faire donner en eschange du Palatinat au duc de Bavières le Brisgau et le Sunt-
gau , lequel ils disent estre assuré du consentement de sa partie qu’il conser-
vera l’électorat et qu’il en sera créé un huitième pour le Palatin. Comme je
n’ay rien veu de semblable en voz despêches des 30 e mars et 7 e avril, je suis
demeuré surpris et bien empesché comment me desmêler d’avec ces messieurs
qui m’ont encor dit que vous leur aviés déclaré faire partir le courrier Saladin
pour nous donner part de ce qui s’estoit passé en vostre conférence avec les
médiateurs. Trouvez bon que je vous die que si vous estes entré si avant avec
eux vous ne sçauriés vous excuser de vous estre oubliez de l’escrire.
PS: J’avois bien préveu que la Reine assembleroit le conseil aujourd’huy. Il y a
esté résolu le mémoire qui sera joint à cette despêche par lequel vous verrez
que j’avois desjà le sentiment des résolutions qu’on a prises sur vostre dépes-
che en laquelle s’il y a quelque chose d’obmis à respondre, il y sera satisfait
pleinement dans huit jours. Cependant je vous envoie la coppie d’un escrit
que monsieur de Vautorte m’a envoie contenant l’estat de la Haute- et Basse-
Alsace et me mande que le premier mémoire
Übersandt mit [ nr. 152 ] , bestätigt in [ nr. 186 ] .
faut tenir à ce dernier.
1 [ nr. 214 ] .
2 François Cazet de Vautorte: Elsaßmemorandum. [1646].
Kopien (unvollständig): AE , MD Alsace 10 fol. 108–121 = Druckvorlage, Dorsalvermerk
fol. 121’: envoyée avec la dépêche de la cour le 14 avril 1646; BN, F. fr. 8135 fol. 36–50’,
Dorsalvermerk fol. 51’ wie in der Druckvorlage; AE , MD Alsace 9 fol. 284–294, datiert
von anderer Hand: 1644; AE , MD Alsace 17 fol. 189–206’, datiert von anderer Hand:
1656; Auszug: BN, F. fr. 24030 fol. 1–8, Kopfvermerk: orat. nr. 117; vgl. Einleitung S. LVIIf.
Description de l’Alsace et provinces voisines dans lesquelles la maison d’Austriche a des
terres
L’Alsace a pour limites du costé d’Orient le Rhin qui la sépare du Brisgau et de l’Ortenau,
du Midy le Sundtgau qui la sépare de la comté de Bourgongne et des Suisses, d’Occident
les montagnes de Vauges qui la séparent de la Lorraine, et du Septentrion selon l’advis de
Daniel Speckel autheur de la carte, la rivière de Lauter qui passe dans Weissenburg et qui
la sépare des terres du Bas-Palatinat et de l’évesché de Spire. Toutesfois cète dernière
limite n’est pas trop approuvée car plusieurs finissent l’Alsace par la rivière Moter qui
passe dans Haguenau. Mais la plus commune oppinion la termine par la forrest qui passe
entre ces deux rivières. Et la noblesse qui a des terres en ce quartier-là n’est point de la
Basse-Alsace, mais du cercle du Rhin.
Elle se divise en Haute et Basse par un petit ruisseau nommé Eckenbach et un fossé antien
nommé Landgrab près de Schelestat; la Haute est entre cète limite et le Sundtgau, et la
Basse depuis cète limite jusques à la rivière de Lauter.
Pour avoir connoissance des terres que la maison d’Autriche possédoit en ces quartiers, il
est nécessaire de parler aussy du Sundtgau qui luy appartenoit, du Brisgau et de l’Ortenau
où elle tenoit beaucoup de terres et encore des quatre villes forestières qui sont sur le Rhin
au-dessus de Basle.
Il seroit difficille de faire une meilleure carte que celle de Daniel Spickel, il a seulement un
peu failly dans les limites, ayant trop estendu l’Alsace du costé du Septentrion comme il
est dit cy-dessus, et du costé d’Occident il s’estend trop dans Leberau ou vallée du Lièvre
au nombre 10 et 11 parce qu’il y comprend la part du duché de Lorrains [!] et s’estend
trop peu au nombre 1 où il ne met qu’une partie du comté de Beffort; il a encore faict une
grosse faulte au nombre 22 où il a mis Newemburg delà le Rhin quoyqu’il soit deçà.
Son dessein n’a esté que décrire l’Alsace. C’est pourquoy Beffort qui est du Sundtgau n’y
est point entier. Les terres du Brisgau et Ortenau qui sont dans les vallées des montaignes
du Schwartzwaldt ou de la Forrest-Noire n’i sont point aussy, et elles ne se trouvent point
dans les cartes du Wirtemberg et autres pays qui sont delà les montagnes où elles sont
pareillement frontières et partant négligées, comme il arrive en toutes cartes. Pour la terre
de Beffort, on y trouve dans la carte de la Franche-Comté ce qui manque en celle-cy mais
trop grossièrement et il eût esté à propos de faire expressément des cartes de tous ces
lieux, mais l’entrée du Schwartzwaldt n’est pas libre et le voisinage de la Franche-Comté
l’est fort peu. On trouve les quatre villes forestières et leurs dépendances dans les cartes de
Basle et Zurich mais peu exactement. C’est pourquoy j’en ay faict faire une pour descrire
avec ordre les terres qui sont comprises dans la carte de Spickel; il semble à propos de les
diviser par chapitres et en donner un à chaque seigneur pour toutes ses terres quoyqu’elles
soient séparées. Cela toutesfois ne se pourroit observer sans confusion pour la maison
d’Autriche de laquelle il faudra parler en chaque lieu.
Des titres et droitz de la maison d’Autriche sur les terres qu’elle possédoit
Dans la décadence de l’Empire et de la famille de Charlemagne plusieurs seigneurs s’ ap-
proprièrent les terres de leur gouvernement, et les duchez, marquisatz et comtez qui n’ es-
toient que des charges devindrent des titres héréditaires; le landgraviat ou comté provin-
cial du Brisgau tomba dans la maison des ducz de Zeringen, celuy d’Alsace dans la maison
des comtes d’Egisheim, et les comtes de Ferrette s’attribuèrent le Sundtgau.
Après la mort de Henry dernier comte de Egisheim arrivée environ l’an mil deux cens
dix-huict, trois seigneurs prétendirent le landgraviat d’Alsace: Albert de Habspurg, Albert
de Hohenburg sur le Neker, et Louis d’Oesingen qui avoit espousé la sœur de Henry
d’Egisheim. Albert de Hohenburg céda sa part à la maison de Habspurg en faveur du
mariage de sa fille Anne avec Rodolph fils de Albert d’Habspurg, et Louis d’Oesingen
vendit la sienne à l’évesque de Strasburg; et depuis ce temps, le landgraviat de la Haute-
Alsace a esté dans la maison de Habspurg, et celuy de la Basse a appartenu à l’évesque de
Strasburg.
Ulric comte de Ferrette espouza Jeanne seconde fille de Regnaut comte de Montbelliart
qui estoit frère d’Othon comte de Bourgongne, laquelle eut en partage de sa maison Bef-
fort , Héricourt et autres terres; elle fut mariée en seconde[s] nopces à un marquis de Ba-
den , duquel elle n’eust point d’enfans. Mais elle eut quatre filles d’Ulric de Ferrette:
Jeanne, Ursulle, Marguerite, Alexia. Jeanne fut mariée à Alberth second duc d’Austriche il
y a environ 300 ans et eut en partage de son père la comté de Ferrette par concession de
l’évesque de Basle duquel elle relève en fief, et de sa mère la seigneurie de Beffort. Ursulle
n’eut que de l’argent. Marguerite fut mariée au marquis de Baden et eut en partage Héri-
court . Alexia fut aussi mariée à un marquis de Baden et en secondes nopces avec Valle-
rend comte de Thierstein, et eut en partage les autres terres de sa mère.
Du mariage d’Albert d’Autriche et de Jeanne de Ferrette descend la maison d’Austriche,
laquelle a depuis possédé la comté de Ferrette; Beffort qui y entra par ce mariage appar-
tint depuis aux barons de Morspurg. Je ne sçay par quel tiltre, comme on ne sçait point
aussy de quelle sorte Héricourt est retourné à la maison de Montbelliart, estant certain
que Marguerite de Ferrette n’ayant point d’enfan〈s〉 le donna à ses neveux fils d’Albert
d’Austriche et de Jeanne de Ferrette sa sœur qui le possédèrent. Mais Beffort a depuis esté
retiré des mains des barons de Morspurg par argent.
Les seigneurs de Zeringen n’avoient point de duché mais Bertoldus de Zeringen espousa
la fille de Rodolfe duc de Svaube qui fit la guerre à l’empereur Henry excommunié par le
pape Grégoire VII et se fit eslire roy des Romains en sa place. Après la mort de ce Ro-
dolfe , Bertoldus occupa le duché de Svaube. Mais l’empereur Henry l’en chassa et donna
le duché à son gendre Fridéric de la maison de Svaube, avec lequel ou bien avec son filz
Fridéric père de Fridéric Barberousse Bertoldus de Zeringen s’accorda en l’an 1081 et
retint du consentement de l’Empereur la ville et pays de Zurich, et depuis ceux de ce nom
ont pris le titre de ducz.
Ces ducs de Zeringen furent landgraven du Brisgau comme est dit cy-dessus, lequel pays
ilz possédèrent avec les comtes de Fribourg et les marquis de Hochberg, qui venoient tous
trois d’une mesme maison. La branche de Zeringen estant esteinte, ses biens escheurent
aux deux autres qui prirent esgallement le titre de landgraven de Brisgau. Mais en l’an
1318 Henry marquis de Hochberg engagea son droict aux contes Conrad et Fridéric de
Friburg pour 700 marcs d’argent. Les marquis prétendent l’avoir retiré depuis, mesme par
la mort du dernier conte de Friburg suivant une condition du traicté qui portoit qu’il leur
retourneroit en ce cas. Et ils disent que pour plus d’assurance Rodolfe de Hochberg le
receut en fief de l’empereur Robert en l’an 1401 et son fils Guillaume de l’empereur Sigis-
mond en 1429. Ce qui fut confirmé par les empereurs suivans.
Il y avoit encore dans le Brisgau une grande maison des seigneurs d’Isenburg, laquelle est
tombée aussy bien que celle de Fribourg par mariage dans celle de Hochberg, comme
celle-cy est tombée depuis dans celle de Baden.
Mais toutesfois ils n’en ont pas eu tous les biens car pour le regard de la maison de Fri-
burg en l’an 1272 les contes de Friburg Ege et Herry [!] partagèrent les biens de leur
maison. Ege eut Friburg avec tout ce qui estoit au-dessus la rivière qui passe à Heitren ou
Heidersheim, et le conte Henry eut Newenburg, Badenviller et tout ce qui estoit au-
dessoubz de la rivière.
Dès lors ces seigneurs ne possédoient pas leurs terres fort paisiblement, car la ville de
Newemburg s’estoit souslevée contre eulx en l’an 1268 et Rodolfe d’Abspurg ayant esté
esleu empereur en l’an 1273 l’acheta d’eulx qui furent bien aises d’en tirer de l’argent,
n’ayant pas assez de biens pour la remettre soubz leur obéissance. On dit qu’il fit payer
aux bourgeois le prix de la vente, les ayant tous taxez à la dixiesme partie de leurs
biens.
La ville de Friburg se révolta pareillement, mais longtemps après, et le comte qui vivoit
alors et s’appelloit aussy Ego, fut contrainct en l’an 1308 de rendre aux habitans leur
liberté et tout son droict dans la ville laquelle luy affranchit et rendit Badenviller en gage à
la ville de Strasburg et luy promit 15 000 marcs d’argent.
Incontinant après cète vente la ville se donna au duc Léopold d’Austriche, et Conrard filz
du conte Ego de Friburg se voyant accablé de debtes à cause de la guerre de Friburg et
mauvais mesnage de son père à toutes ses terres saisies par ses créanciers, il se mit en 1398
en la tutelle et sauvegarde de Léopold d’Austriche et luy laissa l’administration de tous ses
biens, à condition qu’il le protégeroit, luy bailleroit une pention, payeroit ses debtes du
revenu et après les avoir payées, le remettroit dans tous ses droictz. La maison d’Austriche
eut entrée dans la conté de Friburg par cète porte. Car Fridéric d’Austriche filz de Léo-
pold se fit céder les droictz des créanciers pour des petites sommes et fit passer pour rien
tous les revenus par des cahiers de fraiz, de sorte que les debtes ne se trouvèrent jamais
payées mais augmentées, les interrestz de chaque année montant plus hault que les reve-
nus . Le filz de Conrard Jehan de Friburg, le dernier de ce nom, s’en pleignit vainement à
la diette de Valtzhout et de Basie en 1454. Il mourut quatre ans après misérable et les
marquis de Hochberg, et depuis ceux de Baden, n’en ont jamais peu avoir raison quoy-
qu ’ilz soient les vrais héritiers de cète maison, Rodolfe de Hochberg aiant espouzé la fille
de Ego de Friburg, sœur de Conrad, tante de Jean, lequel céda en 1444 la seigneurie de
Baudeviller audit Rodolfe son oncle, de laquelle il s’estoit réservé l’entière possession.
Pour le regard de la maison d’Isenburg, celle d’Austriche en retint les principalles terres,
Kinkzingen, Endingen, Hirsbelsheim et Kirburg avec leurs dépendances soubz prétexte
qu’ilz estoient fiefz masculins quoyque les marquis de Baden prétendent que Albert
d’Austriche les fit et déclara fiefz héréditaires en l’an 1326 en faveur de Burchard d’ Isen-
burg , la fille duquel fut mariée à Henry marquis de Hochberg. Cela causa alors un grand
débat, et pour s’accorder les maisons d’Austriche et d’Hochberg nommèrent des arbitres
lesquelz ayans parlé en faveur de ceux qui les avoient choisis, l’affaire ne fut point vuidée
et chacun retint la part qu’il possédoit. Mais celle de Hochberg estoit très petite et ne
contenoit quasi que le titre d’Isenburg sans aucune ville ny lieu considérable.
Les villes de Brisac, Rinfelden, Waldshout et Villengen estoient autresfois impérialles, et
l’évesque de Basie prétendoit en avoir la protection. Mais l’empereur Rodolfe premier
s’empara de Brisac et obtint le gouvernement de toutes. L’evesque de Basle n’osant s’i
opposer, ses successeurs s’i maintinrent et depuis environ l’an 1400, l’empereur Vinces-
lauß les leur engagea soubz prétexte de quelques fraiz faictz pour le bien de l’Empire.
Seckingen et Lauffenburg appartenoient à l’abbesse de Seckingen qui est princesse de
l’Empire, laquelle les a donnez en fief à la maison d’Austriche.
La conté de Waltkirk a esté vendue par la maison de Furstenberg à la maison d’ Aus-
triche .
La landtvoghey [!] de Haguenau qui estoit du domaine de l’Empire fut engagée par l’ em-
pereur Sigismond en 1423 à la maison palatine pour 50 000 florins. Mais en 1504 Maximi-
lian I prescrivit Philippes électeur palatin parce que son filz Robert ne vouloit rien quitter
de ses prétentions sur la succession de son beau-père Georges duc de Bavières et il oc-
cuppa le landvogtey d’Haguenau et celle d’Ortenau, et depuis aiant esté nommé arbitre du
différend des maisons palatine et de Bavière en la diette de Cologne dès l’an 1505, il retint
pour sa maison lesdits baillages en engagemant de l’Empire, donnant pour cela quelque
satisfaction à l’électeur Robert.
Voilà en général les titres par lesquelz la maison d’Austriche possède de grandes terres en
ces quartiers; depuis elle en a eu de petites qui luy sont retournez par le deffault de ceux
qui les avoient en fief. Je feré mention de chacune en son lieu dans l’explication de la
carte.
Explication de la carte de Speckel pour le Sundtgau et Haute-Alsace
Dans cette carte les terres de la maison d’Austriche sont peintes de couleur de rose un peu
pasle, et par sa seule veue il est facille de connoistre que celles du Sundtgau sont voisines
du conté de Bourgongne, de l’évesché et ville de Basle, car les armoiries de ce comté qu’on
n’a pas peintes sont au nombre 1.2. et une partie des terres de l’abbaye de Lutzell peintz
de jaulne pasle au nombre 1.4., une partie du baillage de Brundruf ou Porentru qui est de
l’évesché de Basle est au nombre 1.3. peintz de vert.
Et tout le bas de la carte depuis le nombre 1 jusques au 3, c’est-à-dire jusques au Rhin,
contient des terres de l’évesché ou de la ville de Basle. Celles de l’évesché sont peintz de
vert, entre lesquelles on void au nombre 1.8. Delspergerthal ou vallée Delémont et Paffen-
gen qui sont deux baillages principaux, et aussy le chasteau de Birseck nombre 2.8. Celles
de la ville de Basle sont peintes de bleu qui est la couleur des villes libres et de leurs
deppendances dans toutes ces cartes.
Le chasteau de Hassenburg peint de mesme couleur nombre 1.4. appartient au canton de
Soleurre quoyqu’il luy soit disputé, comme aussi sans contestation, celuy de Dorneck qui
est près de Birseck, et meslé avec les terres de Basle nombre 2 et 8.
Dans l’estendue de ces terres de la ville de Basle, il y a trois bourgs enfermez: Hegenheim,
Hosengin et Groshuningin. Hegenheim est fief de la maison d’Austriche appartenant à un
gentilhomme et n’est pas peint non plus que toutes les autres terres de la noblesse dans
cète carte. Hesnigin est aussi fief de la maison d’Austriche appartenant à l’abbaye de Mor-
bach non de son propre qui ne reconnoist que l’Empire, mais par achapt, et il est peint de
couleur de saffran comme les autres terres de cète abbaye. Groshuningen appartient à la
maison d’Austriche et est peint de sa couleur; elle l’avoit engagé à la ville de Basle, et
encore à un gentilhomme nommé Flachsand qui le possédoit, maintenant monsieur Her-
val de Lyon en jouist par concession du Roy. C’est le lieu où les catholiques de la ville de
Basle vont à la messe.
Des terres de la maison d’Austriche dans le Sundtgau et Haute-Alsace
Les terres du Sundtgau sont divisées en six seigneuries: Beffort, Ferrette, Altkirck, Dann,
Sennen et Lauser dont une partie entre dans la Haulte-Alsace, laquelle a trois seigneuries:
Ensisheim, Isenheim, Bercken. Beffort est une seigneurie séparée, les cinq autres compo-
sent la comté de Ferrette.
Toutes ces terres sont peintes d’une mesme couleur mais elles sont séparées par des lignes
de différentes couleurs qui leur servent de limites, de sorte qu’il est aysé de les reconnois-
tre par le lieu principal qui leur donne le nom.
La seigneurie de Beffort est possédée par monsieur le conte de La Suze qui en a donnation
du Roy. Elle est très grande et la carte de Speckel n’en contient pas la moitié; on la divise
en cinq baillages.
Celuy de Beffort qui contient la ville et unze villages dans la carte, ne marque que Befort,
Graversch et Perus. La ville de Beffort a garnison.
Celuy de Datenreit ou Delle composé de la ville et quatorze villages dont la carte ne
marque que la ville, Sebere, Himsert, Obersept, Weilen, Kaltenbrun et Bubentorf.
Celuy de Rossenberg ou Rosenfelß, composé de Rossenberg marqué dans la carte et de
dix-neuf vilages dont il n’y en a aucun.
Celuy d’Assire composé de ce lieu et de treize villages dont la carte ne marque que Geis-
berg et Fontenel.
Celuy de Engelholt, composé de ce lieu et de six vilages dont la carte ne marque que le
lieu d’Engelsholt.
Je ne conte point les petites chappelles qui s’i trouvent comme Saint-Claus, Saint-Andret
et ne les nommeré point dans le reste de la carte qui les nombre assez par des petites croix.
Il les fit peindre de la couleur des terres où elles se trouvent et non de celles des abbayes et
autres bénéfices considérables.
Il fault notter que les gentilshommes des maisons de Veisenburg, Remach et Rolbach,
tiennent presque dans tous les lieux du baillage de Rossenburg, le tiers ou la moitié des
revenus avec la basse seigneurie en fief de la maison d’Austriche. Ceste conté estoit enga-
gée au comte de Montbéliard pour 3000 escus.
De la seigneurie de Ferrette qui faict partie de la comté
La seigneurie de Ferrette est possédée par monsieur Taupadel qui en a donation du Roy;
elle est composée des villes et vilages contenus dans la carte.
De la seigneurie d’Altkirch
Cète seigneurie a esté donnée par le Roy à monsieur Bots colonnel d’un régiment de
cavallerie dans l’armée d’Alemagne; elle est composée des villes et vilages contenus dans la
carte. Dans Altkirch il y avoit un official de l’évesque de Basle.
De la seigneurie de Dann
Cète seigneurie n’a esté donnée à personne; monsieur Roze lieutenant colonnel du régi-
ment de cavallerie de monsieur d’Erlach et gouverneur de ladite ville de Dann et [!] en est
presque en possession. La ville a garnison, elle est scituée au pied de la montagne et au-
dessus est le chasteau de Engelburg assez bon qui appartenoit autresfois à des gentilshom-
mes de ce nom dont la race estant esteinte, il est revenu au seigneur du fief et a esté uni à
cète seigneurie dont tous les lieux sont marquez dans la carte. Elle est divisée en trois
baillages: celuy de Oberbonnhaup, celuy de Niderbonnhaup, celuy de Dunbach lequel est
subdivisé en cinq prévostez.
De la seigneurie de Sennen
Monsieur le général major Schimbeck la possède par donnation; elle ne contient que la
petite ville de Sennen et le village de Stembach.
Et elle est proche de Dann et au milieu de cète pleine nommée Ochsenfelds dans laquelle
monsieur le duc de Weimar batit monsieur le duc de Lorraine pendant le siège de Bri-
sac .
De la seigneurie de Lauser
Monsieur Herval de Lyon la possède par donation du Roy. Elle se divise en deux bailla-
ges , du Hault- et du Bas-Lauser, et est composée de tous les lieux contenus dans la
carte.
Toutes ces terres sont des fiefs de l’évesché de Basle. Elles sont aussi toutes à la réserve de
celle de Beffort dans le gouvernement de monsieur d’Erlac.
De la seigneurie d’Ensisheim
Elle n’a point esté donnée et ne contient que la ville d’Ensisheim avec le bourg de Ruzels-
heim . Michensheim n’est qu’une métairie ruynée, le vilage de Ungrisheim n’y appartient
que pour la moitiée [!], l’autre est au baron de Bolwiller. Elle n’a aussi qu’une petite partie
dans les vilages de Michersheim et Rexheim. Saint-Joan et Sainte-Barbara ne sont que des
chapelles. Toutesfois tous ces lieux ont esté marquez de la couleur d’Austriche, laquelle a
estably il y a environ 200 ans la ville d’Ensisheim pour le siège du gouvernement et y a
mis le tribunal de justice et la chambre des comtes de toutes les terres qu’elle a en ce
quartier tant deçà que delà le Rhein.
De la seigneurie d’Eisenheim
Monsieur le lieutenant colonel Roze la possède par donation; elle contient Eisenheim,
Ostein, Retersheim et Marxen.
De la seigneurie de Bercken
Elle est venue en la maison d’Austriche par donation ou engagement de l’Empire dont elle
estoit un fief, après que la race des barons de Bercken a esté esteinte, et elle contient la
ville de Bercken et les vilages de Rodern et Rorsvihr; les lieux qui sont encor peintz ne
sont que des chappelles et des hameaux ruynez. Monsieur le conte de Nassau en avoit eu
donation de la couronne de Suède; après sa mort Monsieur de Montausier l’a obtenue du
Roy et la possède.
Des autres terres du Suntgau et de la Haute-Alsace
Celles qui relèvent immédiatement de l’Empire et qui ne sont tombées dans la possession
de la maison d’Austriche n’ont peu y estre assujetties, ny obligées de dépendre de la cham-
bre d’Ensisheim; mais elle a assujetty toutes les autres quoyqu’elles ne soient dans son fief
mais dans celuy des évesques de Strasbourg et Basle, de l’abbé de Morback, duc de Lor-
raine et autres seigneurs, car elle a prétendu à cause de la comté de Ferrette et du landt-
graviat de la Haulte-Alsace, et enfin s’est mis en possession de la jurisdiction territorialle
et universelle sur toutes les terres de ces deux provinces qui ne relèvent de l’Empire; en
vertu de laquelle jurisdiction et souveraineté elle a estably des péages et impostz sur les
marchandises qui passent, et sur les denrées qui se consomment en chaque lieu, elle a
convocqué des estatz, levé des contributions sur tout le pays, estably pour justice souve-
raine le tribunal d’Ensisheim, où les appellations de toutes les justices des seigneurs parti-
culiers et des villes ont ressortz; cet abus n’ayant pu estre empesché par ceux qui y avoient
interrest à cause du grand pouvoir que l’Empire comme héréditaire en cète maison luy a
donné.
Il fault aussi notter que toutes les terres qui relevoient de l’Empire et qui y sont retournées
par ouverture de fief ont esté donnez ou engagez par les empereurs à leur maison qui les a
réservez comme la terre de Bercken, ou engagées comme fief d’Austriche, et non point
comme fief d’Empire, et en a supprimé toutes les marques de sorte qu’il n’est demeuré
soubz l’Empire que les villes et bénéfices qui ne meurent point et les terres des maisons de
Lorraine et de Virtenberg. Tout le reste est devenu comme propre à cète maison, et la
noblesse de la Haute-Alsace a esté pleinement assujettie quoyque celle de la Basse soit
libre comme celle des trois cercles.
Les terres de la Haute-Alsace et Sundtgau qui relèvent immédiatement de l’Empire et ne
sont assujetties à la maison d’Austriche ou appartiennent à l’Esglise ou à la noblesse, ou
sont villes impérialles.
Celles d’Eglise sont aux évesques de Strasbourg et de Basle et aux abbez de Morbach et de
Munster au val de Saint-Grégoire, qui sont princes de l’Empire.
De la noblesse il n’i a que les terres qui appartiennent au duc de Lorraine et au comte de
Montbéliard.
Les villes impérialles sont Colmar, Kaizersperg, Munster, Durckeim et Mulhausen, jadis
impérialle et maintenant adjoustée à la ligue des Suisses.
Des terres d’Eglise
L’évesque de Strasburg y possède le baillage le baillage [!] de Ruffac peint de gris de 〈lin〉
comme tout le reste de ses terres, et partie de celuy de Merckelheim desquelz il sera parlé
dans le discours de la Basse-Alsace où elles sont toutes.
L’évesque de Basle y possède plusieurs fiefz et des dixmes et rentes. Mais il n’y a aucune
ville ni bourg non plus que l’abbé de Munster.
L’abbaye de Morbach y est presque toute entière, et mesme le chasteau de Vildenstein 1.6.
tenu par les Lorrains et est peinte de couleur de safran. Elle a seulement quelques vilages
delà les montagnes avec toutes les terres de l’abbaye de Lure qui y est joincte. C’est une
grande seigneurie en biens et honneurs, car l’abbé est prince de l’Empire et le premier
entre les abbez, il a de très grandz fiefz, et le revenu pouvoit monter en temps de paix à
40 000 escus. Gebveiler est sa principalle ville et le lieu de sa résidence. Le Roy tient
garnison dans Lure. Il y a desjà assez de temps que ces abbayes sont dans la maison
d’Austriche et maintenant un gentilhomme allemand s’en dit administrateur, et demeure à
Gebveiler du consentement du Roy. La susdite abbaye possède le bourg de Hesingen au
nombre 3.7. comme il est dit cy-dessus, qui relève de la maison d’Austriche, pour lequel
elle en reconnoist la jurisdiction.
Des terres du duc de Lorraine
Il a moitié de la ville de Markirk ou Sainte-Marie-aux-Misnes, et la moitié dans le Leberau
ou val du Lièvre. L’autre appartient au seigneur de Ribaupierre comme il sera dit cy-
dessous . Les terres sont marquez de orange pasle et ne sont en Allemagne, mais de la
duché de Lorraine qui s’estend jusques-là comme il a esté dit.
Des terres du comté de Montbelliard
Elles consistent en la comté d’Horburg, la seigneurie de Reichenvihr et le chasteau d’ Es-
poneck dans le Brisgau et sont peintes d’orange fort vif.
La comté d’Horburg s’estend depuis Colmar jusques au pont de Brisac, toutesfois on a
peint quelque petite espace de la couleur d’Austriche vis-à-vis de Brisac à cause du bourg
de Blessen qui en deppend. On dit que la ville d’Argentuaria estoit où est maintenant
Horburg, des ruynes de laquelle fut bastie Colmar; Horburg est un chasteau et village.
Environ l’an 1350 le comte d’Horbourg vendit la comté avec la terre de Reichenvihr au
duc Léopold d’Austriche, qui fut tué en la bataille de Sempach contre les Suisses, mais le
comte Ulrich de Wirtemberg les retira par retraict lignager, et elles ont passé dans la
branche de Montbéliard, acquis depuis par mariage.
La terre de Reichenvihr est maintenant le douaire de la veufve du feu duc de Montbéliard.
Richenvihr est une ville très petite mais jolie, Dhunenvihr et Richenstein qui en deppen-
dent ont autresfois eu leurs seigneurs particuliers.
Ces deux terres peuvent valoir dix mil escus de revenu en temps de paix.
Des villes libres de la Haulte-Alsace
Colmar est la plus considérable pour sa grandeur et pour son affection à nostre party. Elle
possède la petite ville de H. Crux nombre 8.4. en propriété comme est dit ou par engage-
ment de la maison d’Austriche. Elle possède encore la ville de Sultzbach 7.3. dans le val de
Saint-Grégoire fief de Lorraine, et celle de Herlisheim 7.4. avec les bourgs de Holtzvihr
9.5. Lesquelz quatre lieux elle tient engagez pour des sommes d’argent que luy doivent les
propriétaires et reconnoist à cause d’iceux la jurisdiction de la maison d’Austriche. Ces
quatre terres viennent de la succession d’un gentilhomme d’ancienn〈e〉 maison en ce
païs nommé Nicolas Haltstatt dont le nom et les armes sont peintes dans la carte 7.3.
comme celles de quelques autres grandes maisons; laquelle succession est escheue en par-
tie aux barons de Froberg ou Montjoye avec Holtzvihr et Vickersvihr et en partie aux
sieurs de Thannenburg avec Sultzbach et Herlisheim. Ces lieux sont peintz de bleu
comme tout ce qui est possédé par les villes libres.
La ville de Kaizersperg 9.3. ne possède rien ny celle de Durkeim aussi 8.4. Mais celle de
Munster possède presque toute la vallée de Saint-Grégoire 8.3. Outre l’alliance commune
des villes impérialles d’Alsace soubz le [!] landtvogtey de Haguenau, ces trois villes en ont
une particulière, et une Reichvogtey dont le siège est à Kayzersp〈erg〉, et cète Reichvog-
tey ou advocatie appartient héréditairement au seigneur de Kiensheim qui la tient en fief
ou engagement de l’Empire.
Mulhusen 5.5. a esté ville impérialle et est maintenant adjointe à la ligue des Suisses. Elle
possède les trois bourgs qui luy sont voisins: Pachstatt, Brunstatt et Illtzvach, qu’elle tient
aussi en engagement pour debtes de gentilshommes, et pour raison d’iceulx reconnoist la
jurisdiction de la maison d’Austriche. Les deux premiers appartiennent aux comtes d’ Or-
tenburg dont la race est finie en Allemagne; ils venoient de dom Antonio Salamanca,
Espagnol, secrétaire de Charles V comme je croy, ne possédoient point Ortenburg, mais
la baronie et Morspurg.
Des terres de la Haute-Alsace et du Sundtgau qui sont soubz la jurisdiction de la maison
d’Austriche
Elles appartiennent à l’Esglise, à la noblesse ou aux villes. Il n’y a point de villes que celles
qui sont du domaine de la maison d’Austriche, dont a esté parlé cy-dessus, ou quy appar-
tiennent à l’Esglise ou à des gentilshommes.
Il y a des abbayes d’hommes et filles et autres bénéfices assez considérables, dans les villes
comme Colmar, et à la campagne comme à Otmarsheim 5.6. et autres lieux. Mais il n’y en
a point qui possèdent des bourgs et qu’il ayt esté nécessaire de marquer dans la carte d’une
couleur particulière que les suivans qui sont peintz de couleur de noisette: Gottstal 3.3.
maison de filles; Saint-Morant 4.5. duquel deppendent les bourgs de Brunkilk et Gallen-
berg ; Ollenberg 5.4.; ces deux dernières sont maintenant possédées par des jésuites d’ En-
hisheim ; Lutterbach 5.4.; Schonensteinbach maison de filles 5.4.; Marbac prieuré d’ hom-
mes 7.4. et celuy de Peris 9.2. duquel deppend le vilage de Veidehol 8.5.; l’abbaye d’Alspac
9.3.
La noblesse est composée de gentilshommes ou de personnes qui ont quelque tiltre au-
dessus desquelz il est à propos de parler en premier lieu.
Des terres du seigneur de Rappolstein ou Ribaupierre
Il tient le premier rang et estoit jadis un membre de l’Empire. Mais il s’est laissé assujettir
par la maison d’Austriche de laquelle il reconnoist la jurisdiction maintenant pour toutes
ses terres. Elles sont peintes de vert et sont divisées en plusieurs baillages qui relèvent de
différendz seigneurs.
La ville de Rappolsvihr ou Ribauvilers est une des meilleures d’Alsace et la plus grande
après Haguenau, Veissenburg, Colmar et Schelestat. Elle relève de l’évesché de Basle avec
le chasteau de Rappolstein et Annekilck.
La ville de Zellenberg est fief de Strasbourg avec le village de Bennvihr, le vilage de Haust
est fief de Basle et celuy de Vihr près de Horburg est fief d’Autriche. Ces lieux composent
le baillage de Zellenberg.
Celuy de Guemer a soubz soy la ville de Guemer fief de Strasbourg, Illensern, Osnen pour
la moitié, l’autre appartenant au sieur de Berken, Heidelheim fief d’Austriche, Schonau et
Sassenheim, bien propre; ces deux derniers lieux sont à l’entrée de la Basse-Alsace 12.5.
Le baillage de Vihr a soubz soy la ville de Vierr, Valbach, Zimmerbach et Girsberg fiefz
de Murbach, et Ginspac et Crispac fiefz de l’Empire.
Hohenat chasteau scitué sur une montagne entre les vallées de Saint-Grégoire et d’Urbis
dans lequel il y a garnison du Roy, a soubz soy Urbis 9.2., Urbach 8.2., Eschlemer 9.3. et
sept lieux qui ne sont marquez dans la carte. Le baillage qui est tout fief d’Austriche à la
réserve du bourg d’Urbach fief de Basle a autrefois eu un seigneur particulier de ce nom et
celuy de Ribaupierre ayant espousé une fille de cète maison s’empara du bien avec assez
peu de justice; laquelle est survenue depuis par l’extinction de cète famille.
Markirch ou Sainte-Marie-aux-Mines fief de Lorraine luy appartient du costé d’ Allema-
gne avec Ekirch, Fourselbach, Saint-Blaise, Kleinleberau et deux villages qui ne sont dans
la carte, tous fiefz de Murbach qui ont vallu beaucoup autresfois. La maison d’Austriche
tire la moitié de la dixme qui est le droict du seigneur, lequel a esté obligé de l’associer il y
a longtemps pour sa protection contre le duc de Lorraine. C’est un revenu incertain. La
part du seigneur de Ribaupière a valu autrefois dix mil escus par an. Elle vallut encore en
1636 deux mil cinq cens escus, maintenant tout est ruyné et il fault de grandz fraiz pour
remettre les mines en estat l’autre moitié de Markirch qui est la moindre delà la rivière,
appartient au duc de Lorraine. Il y a des mines non seulement de fer, mais aussy d’argent à
Markirch.
Il possède encore près de Brisac, Heibern et Verkelsheim, fiefz de Murbach, Balgau,
Munsheim et Rhinfelden, fiefz d’Austriche, comme aussy Bulversheim 6.4. fief de Hor-
burg et Husenburg chasteau ruyné 6.2. et le tiers de la ville de Hamersvihr 9.4. fief d’ Aus-
triche ; enfin il a dans la Lorraine le val de Fraik qui contient plusieurs lieux qui ne sont
dans cète carte.
Il est allié de tous les princes et grandz seigneurs voisins, et jouissoit en temps de paix de
cinquante mil escus de rente. Il a 50 ans, n’a qu’une fille, son frère n’a point d’enfans, et ils
n’ont aucuns parans ny alliez, qu’une sœur et deux cousins qui sont hors d’aage de se
marier.
Des terres du comte Fugger
La seigneurie de Blumberg ou Florimont qui a une ville et chasteau avec plusieurs bourgs
voisins au nombre 2.3.; il y a garnison soubz monsieur de Vignancourt.
Le colonel Vormbrand en eut donation suédoise en 1633 et feu monsieur Roze dit Stol-
roze en 1639.
La seigneurie de Masmunster ou Moisevaux a une ville dans laquelle il y a une abbaye et
plusieurs villages au nombre 4.2.; on y parle comme en toute cète contrée-là les deux
langues allemande et bourguignonne. Elle est possédée par messieurs de Radschin qui en
ont donation suédoise. On la divise en deux prévostez, l’une ne contient que les bourgs de
Gewneheim et Purbach, tout le reste est dans l’autre.
La seigneurie de Hohenkunigspurg qui est un chasteau ruyné au-dessus de Schelestat avec
trois bourgs: Orsvihr, Dieffental, Scherviller.
La baronie de Bolveiller qui est un chasteau et village avec celuy de Veldtkirch, ceux de
Ungrisen et qui sont voisins et ont esté compris dans le baillage d’Ensisheim, appartien-
nent pour la moitiée à cète baronie de laquelle monsieur le général major Roze jouist par
donation.
Veiler, petite ville, et presque tous les lieux du val de Veiler dont le feu colonel Scha-
noltzky prétendoit avoir eu donation suédoise, monsieur de Montausier l’a du Roy et en
jouist.
Toutesfois ces terres sont peintes de violet et sont venues au comte Fugger d’Augsburg
par son mariage avec la fille unique du baron de Bolveiler; Hohenkunirgspurg et Bolviller
luy appartenoient, mais Blumberg, Masmunster et le val de Viller furent engagez il y a
plus de 60 ans par la maison d’Autriche au baron de Bolveiller gouverneur d’Alsace, et
l’archiduc Léopold accorda au comte Fugger la continuation de l’engagement pour luy et
ses enfans jusques à trois générations. La terre de Masmunster a eu des seigneurs et par
l’extinction de leur famille est retournée à la maison d’Austriche, mais je ne sçay si c’est
bien d’Empire ou de la maison ni aussy comment Blumber et Viller luy sont escheuz.
Des terres du comté de Furstenberg
Le chasteau de Hohenlandsperg ruiné par monsieur de Manican.
La ville de Kinsheim 9.3. avec le chasteau où est la résidence du seigneur, les bourgs de
Sigelheim, Katzenthal, Ingersheim relevant d’Austriche, Morsvihr moitié de l’Empire,
moitié d’Austriche, Loglen 8.5.
La ville d’Amersvihr pour les deux tiers, l’autre appartenant au seigneur de Ribaupierre
comme il est dit cy-dessus; de ces deux tiers, le premier et principal relevant de l’Empire
luy appartient à cause de la reichvogtey de la ville de Kaisersperg qu’il a héréditairement
et est attachée à la terre de Kiensheim comme il est dit, et le second relève d’Austriche
avec Kiensheim et Hohenlendsperg.
Cète seigneurie peinte de couleur de feuilles mortes presque semblable à celle de noisette
dont sont peintz les terres d’Eglise appartenoit à la maison d’Empheim laquelle estant
esteinte en ce pays la maison d’Austriche la bailla en engagement avec les seigneuries de
Burcken et Triberg delà le Rhin au sieur Lazare de Schvendi, la fille unique duquel a esté
mariée au conte de Frustenberg, duquel elle a un filz, et elle est mariée maintenant au
colonnel Ley; le feu sieur colonel d’Hattstein a eu donation de cète terre deçà le Rhin et sa
veufve en jouist.
De la baronie de Morspurg
Les barons de Morspurg ou Morimond estoient autrefois grandz seigneurs et avoient Bef-
fort . Il y a encore des gentilshommes de cète maison, toutesfois la baronie passa ez mains
de dom Antonio Salamanca secrétaire de Charles V qui fut appelé comte d’Ortenburg et
ses successeurs aussy dont il ne reste plus qu’un chartreux à Lyon. Ils avoient beaucoup de
terres en ce pays, mesme des prétentions sur des seigneuries de la comté de Montbéliard,
pour lesquelles il y a procès pendant à Spire, il y a longtemps, ils avoient aussi quelques
bourgs près la ville de Mulhausen qu’elle possède, monsieur de Vignencourt en a la dona-
tion . Ces terres sont au nombre 1.4., avec les bourgs de Wibot 2.2. et Sept 2.4. peintes de
couleur de roy fort semblable à celle de noisette.
Des terres de la noblesse
Toutes les autres terres de la Haute-Alsace et du Sundtgau appartiennent à la noblesse; on
a creu ne pouvoir les marquer mieux qu’en ne les peignant point. La noblesse possède
beaucoup plus que sa part ne paroist et le clergé aussi car ils ont des rentes et revenus,
mesmes partie dans la seigneurie de plusieurs bourgs qu’on a peintz de la couleur d’un
seigneur plus considérable. La liste de la noblesse et de tous ses revenus aussi bien que de
ceux du clergé est dans la chancellerie de Brisac. Monsieur d’Erlac tient garnison dedans
Landseron 1.6. chasteau appartenant à un gentilhomme.
Ce discours faict veoir que la maison d’Austriche estoit souveraine dans toute la Haute-
Alsace et le Sundtgau à la réserve de la ville de Mulhausen et des terres du duc de Lorraine
et du comte de Montbéliard qui ne sont pas grandes, car elle avoit l’évesché de Strasbourg
et l’abbaye de Murbach, la landvogtey de Haguenau avec laquelle elle gouvernoit les villes
impérialles, et tout le reste estoit de son domaine ou soubz sa jurisdiction impérialle et
souveraineté.
Elle a pris pour elle ou donné à ses créatures non originaires du pays toutes les terres dont
les familles ont fini et il seroit difficille de dire si elles relevoient de son domaine ou si
sont fiefz d’Empire qu’elle se soit attribuez. Car elle en a estouffé toutes les marques et
soustient que c’estoient ses fiefz. Mais si la France retient en ce pays le bien de la maison
de la maison [!] d’Austriche, elle changera peut-estre de langage soustenant que plusieurs
de cesdites terres appartiennent à l’Empire et faisant soustenir par l’Empire que cète juris-
diction territorialle est un abus de sorte qu’il sembleroit à propos de prévoir cet inconvé-
nient .
Le revenu de la maison d’Austriche est remis au dernier chappitre.